Le livre du docteur Johnson

"Le printemps approche, la pluie continue de tomber comme si jamais elle ne s'arrêterait. Je cours, la boue enfonce mes pieds dans le sol, je glisse, je perd peu à peu la notion de l'espace, le brouillard m'encercle. Le malandrin croit pouvoir me battre m'empêcher d'avancer. Pourtant il se trompe, je résiste, de toutes mes forces, à pleins poumons, comme si la mort était à mes trousses. Je sens le contact glacial des arbres, les éraflures qu'ils me procurent, faisant de moi un être couvert de sang, pourtant malgré la douleur, je continue, je lutte, presque contre moi même. Une dernière fois je tourne ma tête pour regarder l'obscurité derrière moi. Rien, le néant me fais face et malgré tout je sais qu'ils sont là. Ma longue fuite vers l'inconnu va bientôt s'arrêter je le sens j'en suis sûr. Au loin j'aperçois un chalet, au loin je vois la chaleur de ses morceaux de bois. Le noir se confond autour de moi, un instant j'hésite puis je réalise tout simplement que la pluie s'est arrêté. C'est impossible je l'entends toujours tomber, alors quoi ? Serais je mort ? J'ouvre les yeux que j'avais inconsciemment fermés, pour voir qu'en réalité je suis à l’intérieur du chalet, le dos collé contre la porte, certes le cœur battant mais la vie sauve. Je l'avais échappé belle cette fois. A peine sauvé, que soudain des voix, leurs voix me rappellent à l'ordre, elles s'insinuent en moi. Des douleurs insoutenables me parcourent le crâne. Je le prends entre mes mains, j’entends qu'il est sur le point de se broyer, d'exploser, d’éparpiller sur le sol le contenu très peu ragoutant de ma cervelle. Je m'entends geindre, les supplier d'arrêter. Et même pour la première fois de ma vie je sens les larmes rouler sur ma peau, pour la première fois de ma vie, j'éprouvais plus de douleur à subir leurs volontés que le jour où ma femme avait été décapitée. Je m'égosille encore quelques instants avant d'envoyer ma tête contre un mur, sentant le gout du sang à mes lèvres, puis plus rien."


Mon dieu je venais à l'instant de me réveiller avec je dois l'avouer un sacré mal de tête. Combien de temps étais je resté inconscient ? Je ne peux le dire, mais une chose est sûre, tout d'abord je ne me souvenais pas d'avoir écrit le récit de mes péripéties, pas plus que d'avoir allumer le feu, et encore moins mettre allongé sur le matelas pour m’endormir. Toutefois si cela peu paraître très curieux, voir même étrange. Aucune autre raison rationnelle ne pouvais justifier que se soit quelqu'un d'autre que moi qui ai accompli tout ces faits et gestes. De plus, sans être un professionnel dans l'art de la graphologie, je pouvais toutefois reconnaitre ma propre écriture. Et sans mentir j'étais sûr et certain que l'écrit provenait de mes propres doigts. Néanmoins je n'arrive pas à comprendre pourquoi je n'ai pas de souvenir de ces trois choses. Si au fond de moi j'ai une idée, en faite, elle me trotte dans la tête depuis que j'ai repris conscience. Et si ? Non je n'ose pas y penser, ni me l'avouer, j'en tremble. Et puis fatalement les mots se couchent sur le papier.
Et si c'était eux qui avaient fais tout ça?!

Plus d'un mois venait de s'écouler. Rien d'étrange ne s'était reproduit depuis la dernière fois. Cependant le jour rien ne laissait présager le danger. La nuit ils rodaient j'en étais certain, je les sentais s'approcher, puis disparaitre dans les méandres de la nuit sans fin. Tentant d'éviter du mieux que je pouvais les contact avec la ville. Je m'étais mis à la pêche, activité très intéressante, et au combien passionnante. Elle permettait à mon âme de se vider de sa noirceur, et ainsi de me nourrir sans sortir de la forêt. Le danger n'était pas nécessairement ce que l'on croyait. Il pouvait venir de n'importe où, ou même de n'importe qui. Il semblerait que depuis quelques semaines, sans raisons apparentes ni même officielles, les soldats patrouillaient plus sérieusement les horizons, et puis des disparitions inexpliquées s'étaient produite. Jusque là je n'en avais pris aucun intérêt, seulement la nuit dernière tout avait changé, c'est pourquoi je m'étais décidé à écrire.
La nuit dernière, j'avais quitté la cabane munis de ma lampe à pétrole et de mon poignard, certes courageux, mais pas fou. Évidemment hier était le meilleur moment pour la chasse à la grenouille. Puisqu'hier c'était la nuit claire, j'avais choisis précisément ce jour car la lune était parfaitement pleine et donc qu'elle éclairait au mieux la forêt. Cela devait faire une heure que j'attrapais ces bestioles gluantes, lorsque quelque chose, non je ne dirais pas quelqu'un, cette chose n'avait rien d'un homme, non c'était un monstre. La créature avait bondit et dévalé le sentier tel un éclair. Elle s'écrasa sur sa proie. Je me blottis contre un rocher, faisant ainsi tomber ma lampe à pétrole, le clair de lune, me permis toute fois de voir encore. Cependant mes yeux s'étaient fermés. Et dans ce silence de plomb avait suivi un cri, non pas animal, comme je m'y attendait, non un cri humain. Mon corps tremblait, la sueur dégoulinait contre ma nuque, je sentais le vent tiède du printemps courir le long de ma chemise, un fin brouillard tombait sur la zone du drame. Je ne bougeais pas, immobile, quasi sans vie, j'écoutais la douce victime geindre, puis pousser un dernier cri sorti d'outre tombe. Puis plus rien, le néant. S'étaient eux j'en était sûr. Ils étaient revenus. A ce moment là j'imaginais ma fin proche. Des heures s'écoulèrent au rythme des bruits de la forêt. Lorsque tout à coup le bruit de sabot arrivaient à mes oreilles, environs quatre cavaliers se dirigeaient vers l'endroit du drame. Le silence se faisait de nouveau entendre, puis l'un d'eux prononçait les mots secrets gravés dans ma tête.
-Mort.....Marque de blessures similaire aux autres victimes.....La victime a perdu beaucoup de sang....
L'un d'eux ripostait de cette voix quasi inaudible.
-Ben m'sieur.....où.....il est le sang.....
Le premier qui avait parlé répondait.
-Ils l'ont emmené.....
Sans m'en rendre compte j'étais partis, j'avais fuis, j'étais rentré, le visage pâle, mais avec une certitude à vous rendre fou. Je savais qui était ce "ils".
Pendant que j'écris, je regarde le lac, cherchant dans ses eaux troubles une solution, une réponse rationnelle à mes questions mais ne trouvant rien pour justifier, je prends le chemin de la cabane avec cette idée dans la tête. Quand est ce "qu'ils" vont s'arrêter?

La chaleur avait été insoutenable tout l'été, véritable cauchemar. Néanmoins la nuit était courte à cette période c'est pourquoi les choses n'avaient pas frappé depuis un certain temps. Après le mois d'avril, on avait assisté à une véritable hécatombe de victimes, plus ou moins vieilles. Des hommes, des femmes et même des enfants étaient touchés, pire que la peste. Officiellement on parlait d'un homme fou, mais les ragots allaient bon train en ville, on parlait plutôt de créature démoniaque envoyée par Lucifer, pour ramener des âmes jusqu'aux portes de l'enfer. N'étant pas quelqu'un de croyant, d'habitude j'évitais le genre de rumeur qui impliquait la foie en l'irrationnel. Mais avec toutes ces choses étranges et mystiques qui se produisaient je ne pouvais que me poser des questions. L'affaire faisait scandale dans la presse, les victimes toutes tuées de la même manière se comptaient par dizaine.
Mais que font donc les soldats ? La question cruciale que je m'étais posé juste avant l'été, et bien j'en ai la réponse. Ils enquêtent pardi, oh bien sur rien de très exceptionnel, en tout cas ils ont pas l'air de savoir quoi faire. Vous me direz moi, à leur place je serais un peu paumé.
Ah enfin, la fraicheur du mois d'Aout les a tués peut être. Je suppose cela car aucune affaire n'a refais surface. Je ne les entends plus rôder la nuit, les murs de la cabane restent silencieux comme jamais, et je dors paisiblement. Quand je contemple la forêt je me demande si finalement je n'avais pas rêvé la nuit du clair de lune.

Misère ça recommence, moi qui croyait que toute cette terrible histoire s'était arrêtée, que la chute s'était faite à l'arrivée de l'été, mais non, il fallait qu'ils recommencent. Les morts s'enchainaient comme les baguettes chez le boulanger, et la nuit ils rodaient de nouveau dans les alentours, à la recherche de leurs gibiers. Personne ne pouvait donc les arrêter ? Nous étions tous donc voués à l'extermination, comme de simple insectes que l'on écrase sans le moindre regard, ni la moindre once de culpabilité? Sans doute, pour ces créatures sanguinaires nous n'étions que de simple pantins fait de chaire et de sang répondant au nom d' humain. Les journaux appelaient le tueur l'homme aux yeux de sang. Allez savoir pourquoi ils sortaient des informations pas très véritables, peut être pour ne pas effrayer la population. Moi je sais que ce n'est pas qu'un simple tueur. L'autre nuit ils étaient à ma fenêtre, à travers le drap j'apercevais leurs visages, leurs sourires, et leurs dents si différentes. Pourtant sans savoir vraiment pourquoi je n'avais pas peur. Ces derniers temps j'avais des absences de plus en plus répétées la journée, je me retrouvais parfois à des endroits dont je ne savais pas ce que j'y faisais et d'autre fois je parlais même à des gens sans savoir ce que je leur disais. Et chaque nuit "ils" me tenaient compagnie, ils me torturaient, et pourtant docilement, comme leur esclave je me prêtais à leur jeu, où ma torture était le centre de leur attention. C'était comme si j'étais envouté, comme s'ils m'avaient ensorcelé. Le soleil disparait à l'horizon, c'est l'heure du couché de soleil, je vais resté assis là, à ma fenêtre, attendre la nuit. Attendre qu'ils viennent me voir, comme chaque nuit, attendre qu'ils fassent de moi leur martyre. Un jour serais je la vérité à leur regard mordoré?

Il neige, on se croirait au paradis, tout n'est que blancheur. Dans la folie qui me gagne, j'ai du mal à différencier le présent du passé. Des hallucinations des plus douteuses arrivent tous les jours. Ils sont là, tout autour, ils viennent de plus en plus tôt. Ils arpentent la forêt, je suis encerclé, ils font de moi leur gibier, mais ils ne me tuent pas, non, ils attendent, ils me crève à petit feu. Moi je ne fais rien pour les chasser. A quoi bon ? Je sais le destin funeste qui m'attend, telle une ancienne tragédie grecque, fatalement j’attends la mort. J'attends que la faucheuse vienne me prendre dans ses bras et m'emporte, la mort serait la libératrice de ce monde qui n'est plus qu'enfer et désillusion. Le néant m'entoure chaque jour un peu plus que le précédent. La ville est atteinte, une véritable hécatombe, décimant tout sur son passage, la vague mortuaire ne s'arrête pas, jamais je ne me suis sentis aussi misérable, aussi mortel. J'évite de plus en plus les contacts avec la ville, néanmoins je me renseigne sur les faits et gestes des monstres, et j'essaye d'analyser leur comportement, mais n'étant que simple médecin, je ne parviens pas à saisir toutes les informations en ma possession. De plus ces derniers temps, je me sens atteint d'un mal inexpliqué, qui me laisse sans voix. La nuit ne devrait plus tarder, je vais rester là, à l'attendre. La neige tombe, comme cette épée de Damoclès qui tombe peu à peu sur moi, qui un jour me brisera. Les monstres ne devraient plus tarder. C'est étrange, des marques, je dirais plus tôt des trous apparaissent sur mon corps je n'arrive pas à trouver quelle maladie cela peut être. Et si c'étaient eux?

Je me sens faible, de plus en plus, j'ai du mal à écrire et je n'ai plus d'appétit, j'ai tout les symptömes de l'anémie, les marques sur mon corps rougissent de plus en plus. Mes pertes de mémoires et mes absences se font de plus en plus rapprochées. L'autre nuit j'avais même les mains et le visage couvert de sang. Je ne sais pas ce que m'ont fait les monstres, mais une chose est sûre je deviens différent, mon reflet dans la glace n'est plus le même. Je dors de moins en moins la nuit, j'ai des insomnies à répétition. Alors que faire quand le soleil se couche, vous laissant seul ? Moi j'arpente la forêt, je découvre des cadavres un peu partout, je les rassembles au même endroit, chaque nuit je fais ma ronde. Après quand ma mission est terminée, je retourne à la cabane, là haut je les entends me murmurer des choses. J'ai même aperçut l'un d'entre eux de près, alors que je regardais la neige tomber, il est apparut au carreau, sortant ses dents si blanches, avec une lueur dans les yeux à en faire palir plus d'un. Ils font des choses étranges, ils sont tellement rapide que parfois j'ai du mal à les disserner. Je crois, non j'en suis même sûr, ils ne me laisseront pas m'enfuir de la forêt, l'immensité des arbres sera ma pierre tombale. Je me sens si faible, combien de temps n'ai je pas mangé ? Plusieur jours il me semble. Ma peau blanche supporte de moins en moins le contact du soleil, j'en viens presque à ne plus sortir la journée. Je ne vais plus en ville, je n'y retournerais certainement jamais. Mon dieu je vais perdre certainement mes membres si cela continu, j'ai les extremités de mon corps glacées. Pourtant je n'ai pas froid, non je ne chauffe plus la cabane, je ne fais plus de feu de bois. Non de dieu que m'ont ils fait ? Serais ce la mort qui vient me chercher ?

La fin est proche, je le sais, il ne me reste plus longtemps. Ecrire devient un véritable supplice, je suis à mon bureau, il a fallu que je me traine du lit, que je rampe sur le sol pour parvenir jusqu'ici. La nuit dernière, un monstre est venu, je les senti les yeux clos, l'odeur de rose qui parfumait sa chevelure innondait mes sens, comme hypnotisé, je l'avais laissé gouté au fruit défendu de mon être, la douleur s'insinuer dans ma nuque, la douleur si exquise parcourir mon être. Ils sont là je le sais, derrière la porte, ils entourent la cabane. C'est la fin, ils sont venus accomplir le dernier acte de la dernière scène, la mort funeste du Docteur Johnson. Je ne vais pas lutter, je n'ai plus de forme. Mon dieu ils tambourinent à la porte, j'entends leurs pas si légés, ils murmurent des choses que je ne comprends pas, je tremble, je sens leur contact glacé qui fait frémir ma peau, c'est la fin, ils sentent mon odeur, je sais ce qu'ils sont. Il faut que je l'écrive, avant qu'ils ne me tuent, se sont des

Docteur la curiosité est un vilain défaut, à tous ceux qui liront, prenez garde, la nuit quand nous murmurons à vos oreilles les mots défendus, vous tomberez peu à peu dans notre univers absolue. Prenez garde à la vérité, elle est la clé du destin funeste.